Urbanité (triste) [2005]

Lady and the tramp. © PFRunner

Paris Bastille, juin 2005. La scène m’a glacé. Le froid m’a descendu l’échine, en plein été. Le souffle court, j’ai failli me laisser tétaniser par cette vision qui avait lieu à quelques mètres. Et  je ne sais pas dans quel réservoir j’ai puisé, mais j’ai trouvé l’énergie de me précipiter, sur mes pattes de velours.

Au « développement » de la photo, face à mon écran, à nouveau, j’étais tendu. J’avais envie de titrer « Confrontation ». Et puis, à force de regarder les deux personnages, la relation a priori impossible a fini par se nouer entre eux. J’ai imaginé qu’elle l’avait pris pour son ange gardien, le temps d’un retrait éclair de billets de banque. J’étais victime d’un espèce de « syndrome de Stockholm » photographique.

Aujourd’hui, à la place de «Confrontation, je titrerais simplement « Cohabitation » ou  » Indifférence ». A force, on se « carapace ». Et puis, le temps a passé. J’ai beau remonter le long de sa verticale à elle : son bracelet, ses boucles d’oreille, son chignon, son visage, je me dis que l’on n’est jamais à l’abri d’une inversion des rôles. Car à côté de la verticale qui vient chercher sa subsistance, il y a son horizontale à lui, immobile, sereine. Elle réclame ses billets à la machine, pour compléter son image, un deuxième sac, une paire de chaussures, des boucles d’oreille plus lourdes ? Lui est repu, il n’a pas même eu besoin de terminer son sandwich. Les bras croisés, il attend, avec sérénité.

Un jour on m’a dit : « Parmi toutes tes photos, il y a celle-là, celle du distributeur : on dirait un Jeff Wall. » Je n’ai d’abord pas fait la relation, car je m’attachais au seul regard sur la pauvreté et l’inégalité, alors que le photographe hyper-réaliste canadien ne faisait pas de la dimension sociale son seul angle d’attaque. Mais il faut avouer que je n’ai pas boudé mon plaisir à entendre cela.

Une réflexion sur “Urbanité (triste) [2005]

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